
L’univers du Métal, depuis ses origines, prône certaines valeurs telles que l’honneur, la fierté et la force de l’unité que peux constituer une vrai fraternité.
Lorsque j’ai découvert cette musique et, surtout, cette culture en 1980 dans une ville de la banlieue londonienne où les Heavy Metal Kids faisaient de la résistance dans un milieu que l’on peut qualifier du doux euphémisme d’« hostile », ces valeurs constituaient un ciment qui nous liait, notre différence faisait notre force.
Qu’avons nous fait de ces valeurs ? Si quelques puristes continuent à se battre pour organiser, tant bien que mal, des concerts ou des conventions où chacun se démène pour que l’évènement soit une fête à tous les niveaux et que quelques rares boutiques tentent de résister, mais pour combien de temps encore ?, aux diktats de la grande distribution, nombre de groupes semblent desormais prêts à tout accepter de la part de gérants de salles (NDLR pour nos amis étrangers : en hexagonie on nomme « salle » tout bar à poivrot équipé … ou pas … d’une sono, d’une mini scène et d’éclairages bon marché) qui, après tout, auraient tort de se gêner pour demander à la vache à lait metalleuse de se traire elle même.
A ce rythme d’acceptation des compromis je ne peux pas m’empêcher d’imaginer les méthodes de sélection des groupes qui seront mises au point dans un futur très proche. Projetons nous quelques années en avant, un groupe de métal « kinenveu » composé de musiciens « kinenveules » passe les portes du PASSIROCK, bar « Metal » bien connu situé au coeur d’une Z.A.C. de banlieue :
– Salut les mecs, vous vous appelez comment ?
– Les HARD ROCK CITY SLASHERS m’sieur le patron! Répond avec enthousiasme Wild Gunner, le chanteur du combo sauvage.
– Appelle moi Maître
– Désolé … les HARD ROCK CITY SLASHERS … Maître.
– Voilà qui est mieux ! Et tu es prêt à jouer gratos, en faisant toute ma pub et en faisant tourner mon bar ?
– Bien sur Maître !
– Tu acceptes bien sur que je te filme, prenne des photos, t’enregistre avec du matériel vétuste manié par des étudiants que je ne rémunère pas, que j’interdise à tes potes de le faire autrement qu’avec des portables pourris, ceci afin de te vendre une vidéo nase de ton propre show au prix d’un vrai clip?
– Bien sur maître, on récupérera l’argent en éditant un DVD pour vendre aux fans.
– Dans ce cas mon ami il te faudra payer un supplément et me reverser un honnête pourcentage car les droits sur le film ne te sont pas cédés.
– Excusez moi maître, mes pensées étaient impures.
– Ce n’est pas grave, mais n’y reviens pas! Maintenant, revenons aux choses sérieuses, il me faudrait deux autres groupes pour la soirée, c’est que j’ai des frais moi. Et il faut bien qu’il y ait quelqu’un pour faire le service quand vous serez sur scène. Vous me proposez qui ?
– On a nos potes d’ANIMAL WRATH et de GUEULANTE MALSAINE qui le feraient bien.
– Nickel, je crois que tout est réglé, on va sceller le contrat comme il convient. Tout le monde se penche face au bar et décroche son ceinturon !
– Aïe … AÏE … AAAïÏïEE … OUIIIIIIIIIIIII (on reconnaît dans ce dernier cri « Crazy Psycho Killer » le soliste du gang, 500 concerts à son actifs).
– Aaaaaaaaaahhhhh !!! hé bien les gars vous jouerez ici dans 3 semaines mais rappelez vous, pas de concerts ailleurs d’ici là, ni d’annonces de concerts 3 semaines après à moins de 500 Km du PASSIROCK. Alors ?! Qu’est ce qu’on dit ?
– Merci Maitre.
– Bon petits, on est vraiment une grande famille, ça va être une vrai fête métallique, à plus …et n’oubliez pas de prévoir du cash pour payer la sono, les lights et le videur.
Le groupe remonte dans la CITY SLASHERS Mobile, fier de porter si haut les couleurs du French Metal et reprend la route.
– « Alors les frangins, c’est pas génial, on va jouer dans trois semaines »
– « OUAIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIS !!! » s’exclame la horde sauvage.
– « et en plus on s’en est mieux tiré que le mois dernier au BAROCK A FRIK », s’enorgueillit Mad Troll, le bassiste du groupe.
– « C’est sur ! cette fois ci ils n’ont pas ajouté la poignée de sable ».
A la lecture de cette petite parabole quelque peu triviale, beaucoup vont se dire que j’abuse, qu’on en est pas là … En êtes-vous bien sur ? En est on vraiment si loin ? Il est vrai que trouver de bonnes dates n’est pas facile mais est ce une raison pour accepter tout et n’importe quoi ?
A l’exception de la dernière « formalité » infligée à mon groupe fictif (quoique …) et des zicos transformés en serveurs, TOUTES les exigences demandé par mon patron de bar (fictif ?) sont des choses déjà existantes auxquelles j’aurais pu ajouter la vente a prix d’or de sandwichs ou de pizzas bas de gamme et mal décongelées aux musiciens de la soirée, les bières premier prix LIDL pour seules boissons offertes et même ce bon vieux « pay to play » qui sent si bon le sable en poignée et perdure malgré les années. Certaines salles n’hésitent pas a déprogrammer les groupes quelques jours avant un concert, voire la veille, sans autre raison valable que le pouvoir unilatéral que leur confère l’absence de résistance de groupe trop naïfs ou trop lâches pour réagir.
Certains « organisateurs » ajoutent parfois une petite humiliation supplémentaire en faisant signer aux groupes des contrats aux clauses léonines dont toute contrepartie sérieuse est inexistante, allant jusqu’à leur demander de s’engager à payer à l’organisateur une somme supérieure au défraiement « généreusement offert » en cas d’empêchement d’assurer la prestation prévue.
Malgré tout cela presque tous continuent à accepter de jouer dans n’importe quelle condition et surtout sans qu’on leur témoigne le moindre respect, plus fort encore ils supplient quasiment ces établissements de les laisser jouer.
Mais comment en vouloir aux groupes de cette dégringolade des valeurs métallique lorsque le public Metaleux lui même accepte de jouer les moutons en refusant de découvrir de nouveaux lieux de concerts, qui sans forcément se prendre pour des « salles », essayent d’offrir des soirées de qualité où il n’est pas nécessaire de baisser son slip pour profiter d’un bon show, que ce soit comme musicien ou comme headbanger sauvage.
On accepte désormais d’arriver dans un concert annoncé comme gratuit sur les sites des groupes et de l’établissement et de se voir imposé au dernier moment le paiement d’un droit d’entrée (donnant parfois droit à une gorgée de bière bas de gamme) pour accéder au concert, d’être soumis à la volonté du jour du maître des lieux quant à la possibilité de prendre des photos du groupe de pote qu’on essaye de soutenir, d’aller dans de « grands concerts » avec des places dépassant la centaine d’Euro pour un son parfois minable où le « fier » hardos est dirigé et parqué comme un mouton … je pense que vous pourrez vous même en ajouter à la liste.
Bref on se donne l’illusion d’être des rebelles en allant chaque semaine dans le même bar, en mettant nos belles lunettes roses pour se persuader que la soirée est parfaite, quoi qu’il arrive.
Bien sur, on se trouve des excuses minables telles que « il n’y a pas d’autres endroit où jouer », « c’est un groupe mythique qui passe, je ne peux pas le manquer », « faut être cool on est tous des potes » (je ne sais pas pourquoi mais j’ai du mal a considérer comme un pote un mec qui me refuse un verre d’eau au bar alors que j’ai déjà claqué une quinzaine d’Euro auprès de lui, où un gars qui me demande du blé pour le film pourri qu’il a fait de mon propre concert) ,
Où est la fierté dans tout cela, si les valeurs que nous affichons dans nos textes ne sont rien d’autres qu’un folklore au contenu creux par quoi devons nous alors nous définir ?
… la musique uniquement ? Serions nous alors différent de n’importe quel fan de base de Pascal OBISTRO ou de PATRIIIIIIIIICK (choisissez celui que vous voulez, le public est le même) ?
Les fringues ? Pourquoi pas, mais il faudrait alors admettre que l’univers métallique est un monde peuplé exclusivement de Posers … Non décidément l’habit ne fait ni le moine ni le Hardos.
La bière et le regard idiot de ceux qui lui vouent un tel culte qu’ils n’entendent généralement que peu le premier groupe et qu’ils n’aperçoivent le dernier qu’a travers une brume éthylique où leur appréciation du concert sera conditionnée par leur capacité à imaginer le show plutôt qu’à l’entendre? … Je connais heureusement assez de die hard échappant à ce cliché minable pour rejeter d’emblée cette option.
Reste ces pauvres valeurs, peut être obsolètes, mais à mon sens fondamentale pour nous permettre de continuer à nous définir.
Je finirais par une citation d’un de nos groupes nationaux qui résume hélas en une phrase mon propos : « Quand même, on se pose des questions, aurais tu trahi ton passé par compromission ».