
«Du Hard Rock au Metal, LES 100 ALBUMS CULTES», Voici un titre qui ne pouvait manquer de m’interpeller et d’attiser ma curiosité.
En 50 années d’existence notre musique préférée, au travers de toutes les chapelles qu’elle a engendrées, a eu le temps d’accoucher de nombre d’albums pouvant être à plusieurs titres considérés comme cultes. Réussir à en sortir 100 du lot est donc un exercice difficile, similaire à un jeu très en vogue depuis quelques mois sur les réseaux sociaux consistant justement à nommer ses albums ou titres de prédilection.
Sûr de lui, Christian EUDELINE promet de nous présenter non pas 100 albums cultes choisis par ses soins, mais LES 100 albums cultes … là on ne rigole plus, il s’agit d’une liste officielle, décisive, qui doit faire autorité, il n’y a que 100 albums cultes et ce livre les présente.
Je tombe donc de haut en apprenant que DEATH et MERCYFUL FATE n’ont pas produit d’albums cultes, pas plus qu’OCEAN, LES VARIATIONS, SPEED QUEEN, H BOMB ou VULCAIN en France, que BARON ROJO, OBUS, PANZER ou MAGO DE OZ en Espagne ou TANG CHAO en Chine. En revanche STEEL PANTHER aurait produit un tel album, de même que CYNDERELLA ou NASHVILLE PUSSY ??
Inutile d’argumenter plus avant, l’idée même de définir LES 100 albums cultes est stupide … À moins que l’auteur n’ait eu la bonne idée de nous faire part des critères retenus pour définir ce qu’est un « Album culte » digne de figurer dans son ouvrage. Le lecteur avide de culture métallique que je suis se jette donc sur l’ouvrage afin de trouver une quelconque aide pour enfin comprendre ce qu’est un « album culte ».
Recherche vaine, pas de fil conducteur, pas de critères un tant soit peu objectifs, pas d’échantillon « représentatif » du fidèle adhérant au culte du dieu HARDEROQUE, on est à priori face à l’avis d’un unique journaliste et de ce qu’il pense culte …mais après tout, pourquoi pas, d’autant que la sélection faite concerne des albums intéressants même si tout ou presque a déjà été dit sur eux.
Premiers constats, très positifs : l’impression couleur est de qualité correcte ; la pochette de « l’album culte » sur chaque page de droite bénéficie d’un grand format permettant d’en apprécier l’artwork ; le texte, facilement lisible (certains auteurs devraient comprendre qu’un texte rouge vermillon sur un fond rouge carmin est une manière de se foutre du lecteur) est concentré sur la page de gauche permettant de consulter sur une double page et d’un coup d’œil chaque album, une belle réalisation d’imprimerie, … bref c’est un bel objet.
Avec une forme aussi aboutie, tout permettait d’espérer un fond à la mesure de celle-ci, ce qui est hélas loin d’être le cas.
Là où le lecteur est en droit d’espérer de vraies précisions sur chaque album (line up, position dans la carrière du groupe, éléments en faisant un disque culte, auteur de la pochette, anecdotes relatives à l’enregistrement, nombre d’albums vendus, rééditions, conditions d’enregistrement …), l’auteur se contente de bribes d’informations plus ou moins cohérentes, certains textes étant manifestement du remplissage inutile.
Il est vrai que décrire la musique du « Wild Cat » de TYGERS OF PAN TANG avec des éléments aussi fondamentaux que « Robb joue beaucoup avec sa pédale de distorsion » (quel scoop pour un album de Hard Rock »), « … un rock fait de cavalcade et de décharges électriques, un tremblement fait musique » (« Wild cat » serait donc du « parkinson rock »?) nous éclaire vraiment sur l’album.
Sur la page consacrée à « The number of the beast », un tiers du texte concerne la symbolique du 666. Cette proportion est d’ailleurs honorable face aux commentaires d’autres albums (a peine un paragraphe pour « System of a down »),
Si par hasard vous aviez déjà ce livre en votre possession ou envisagiez son achat, préparez du papier, de quoi écrire, et attendez-vous à rédiger des errata afin de corriger les approximations, raccourcis ou erreurs du livre.
Si les groupes anglo-saxons subissent principalement des approximations de la part de l’auteur … telle l’anecdote relative à l’origine du nom de QUIET RIOT, à la signification de « School daze » de WASP, le fantasme récurrent dans les ouvrages d’EUDELINE de la soit disant haine des Hardos à l’encontre des Punks (un léger mépris face au pseudo Punk bourgeois ayant sévi en France dans la seconde moitié des années 70 pouvait parfois exister mais, dans les années 80 aux US et en Grande Bretagne, Punks et Heavy Metal Kids se retrouvaient fréquemment dans les mêmes concerts). L’étonnement de l’auteur quant à l’utilisation de Dave MUSTAINE du terme Speed Metal pour décrire la musique de MEGADETH plutot que thrash Metal a de quoi faire sourire toute personne ayant suivi l’évolution du genre à partir du milieu des années 80 (le terme « speed Metal » était alors bien plus utilisé que « thrash ») … les rares groupes français retenus ont, quant à eux, droit à des révisions historiques dignes de la foire aux cancres.
Ainsi, notre potache, journaliste chez BEST tout de même et co-auteur d’un autre ouvrage humoristique pompeusement nommé « L’encyclopédie du Rock Français », commence très fort son numéro avec SHAKIN’ STREET dont le premier album « Vampire Rock », sorti en février 1978, serait le premier disque de Hard Rock Français !?…
Je vois qu’à cette affirmation tu es déjà écroulé de rire puisqu’il semblerait donc que les LP des VARIATIONS (« Nador », 1969 ; « Take it or leave it », 1972 ; « Moroccan Roll », 1974 ; « Café de Paris », 1975), d’OCEAN (God’s Clown, 1976), de GANAFOUL (« Saturday Night », 1977) ou de VOLCANIA (« L’agression », 1977), pour ne citer qu’eux, n’ai jamais existé … mais notre killer du stand up ne s’arrête pas là et attribue au même « Vampire Rock » la tracklist et la date de sortie de l’album éponyme « Shakin’ Street », nommé aussi « Solid as a Rock » (en référence au sticker qui était apposé sur la pochette du LP). On sent que l’auteur a bien bossé son sujet.
Adepte du comique de Répétition, Christian EUDELINE réitère le précédent gag avec TRUST qui aurait signé avec « antisocial » l’acte de naissance du Hard Rock en France (comprendre Hard Rock Francophone) !! De nouveau VOLCANIA est oublié, ainsi qu’OCEAN … sans oublier les nombreux groupes, moins célèbres à l’époque, qui chantaient déjà dans la langue de Molière sans avoir besoin de l’exemple de TRUST et avaient déjà autoproduits EP ou LP (HAUTE TENSION, BADGE, ATTENTAT ROCK …) . En revanche, « Répression » est en effet l’album qui, avec antisocial et une médiatisation sans précédent (il s’agit du seul groupe francophone que BEST et ROCK N’ FOLK soutiendront réellement) dans l’histoire du Hard et du Metal en France, a fait découvrir au grand public le genre.
La palme de l’histoire réinventée et de la mauvaise copie de wikipédia revient à la page consacrée à WARNING, tout y est mélangé, les informations relatives aux musiciens sont erronées, raccourcis et approximations sont accumulés en quelques paragraphes, on y apprend que les musiciens font preuves sur le premier album « d’une surprenante technique » … Quand on sait que les 3 groupes phares de l’époque étaient TRUST, OCEAN et WARNING on voit mal ce qu’il y a de surprenant, les musiciens médiocres s’orientaient vers des styles plus abordables … ou devenaient critiques pour magazines spécialisés.
SATAN JOKERS et SORTILEGE échappent de justesse au massacre, sans pour autant être exempts de petits gags discrets. Ainsi « Satan Jokers III » devient un album écrit et entièrement chanté par Renaud HANTSON … Pierre GUIRAUD fait pourtant toujours parti du groupe à l’époque et sa voix reste parfaitement audible sur l’album, notamment sur « Wounded knee 73 » dont il a écrit le texte et que les quatre membres du combo ont composé, « Pas de solution » est quant à lui écrit par Renaud et Stéphane. Enfin, j’étais naïvement persuadé que « Get it on » était une reprise de T-REX et non un titre de SATAN JOKERS. Quant à SORTILEGE, je me contenterais de relever la drôlerie de certaines phrases
« Du Hard Rock au Metal, les 100 albums cultes » est un livre avec de jolies images et une préface sympa de Francis ZEGUT. C’est d’ailleurs là tout son intérêt, n’espérez pas apprendre quoi que ce soit d’intéressant et, surtout, de plus fiable que sur n’importe quelle page web sur le sujet.
Un achat à éviter à moins que vous ne soyez un fan inconditionnel d’émission telles que « les 100 chansons préférées des français », les « 50 plus beaux gadins de vidéo gag » ou « les 30 bouquins les plus inutiles de l’histoire du journalisme Rock ».